LETTRE DE MOTIVATION À L’OBTENTION DE LA CARTE DE PRESSE

Bonjour,

Je vous sollicite pour la délivrance d’une carte de presse. Depuis six années l’intégralité de mes revenus, chaque trimestre, est issue de la vente d’images (photos ou vidéos) à des médias ou des agences de presse. En France, en Europe, et à l’International.

Ces six dernières années j’ai vendu des images aux principaux Médias et Agences de Presse représentés dans notre pays (factures jointes au présent dossier). L’Associated Press, l’Agence France Presse, Reuters… Il en va de même auprès des médias quotidiens ou de la TNT qui acquièrent des images auprès des pigistes : BFMTV, C8, TF1, France Télévision, Le Monde, Libération, Nouvel Obs, Reporterre, Arrêt sur Images, Le Média, Vice Media, Vice News, Rue89Strasourg, Russia Today, Politis, L’Humanité, Arte, Les Inrocks, BBC News, StreetPress… L’Agence France Presse (AFP) a illustré avec mon cas un article intitulé « Non, il n’est pas obligatoire d’avoir la carte de Presse en France pour être journaliste », suite à ma garde à vue d’avril 2019 (document joint au présent dossier, dans la catégorie « Articles de Presse »).

J’ai été placé, dans l’exercice de mes fonctions et depuis 2015 : 13 fois en Garde à Vue, dans 8 commissariats de 3 régions différentes… À l’issue de toutes ces tentatives d’intimidations : la justice ne m’aura condamné qu’à une amende de 500€ en 2017, pour avoir « touché et pris en photo un talkie walkie des CRS tombé à terre lors de l’évacuation de la Jungle de Calais ». Treize Gardes à Vues en cinq années, pour une amende de 500€. Enfin et comme vous pouvez le constater vous-même dans le présent dossier : mon casier judiciaire reste vierge.

L’exercice de mon métier sans la Carte de Presse est devenu impossible depuis quelques mois. Particulièrement depuis les nouvelles politiques du Ministère de l’Intérieur, et de la Préfecture de Police de Paris. Lors de mes trois derniers déplacements dans la capitale : j’ai été systématiquement placé en Garde à Vue (pendant plusieurs heures, ainsi que fouillé à nu) soit en me rendant, soit à l’issu d’un évènement sur la voie publique. Gardes à Vues à l’issue desquelles il n’y a pas eu la moindre charge, amende, ou poursuite judiciaire à mon encontre. Même les Officiers de Police Judiciaire chargés de rédiger mes procès verbaux, se plaignaient alors de ma présence dans leurs commissariats…


Cette situation est devenue aussi insupportable qu’anti-démocratique. Je ne peux littéralement plus exercer ma profession sans ce justificatif à délivrer auprès des forces de l’ordre. Sans lui, je suis condamné à être menotté et placé en cellule, le temps que se déroulent des évènements que je ne pourrai plus couvrir. C’est ce qui s’est produit à chaque fois que je me suis rendu à Paris pour des évènements d’actualités depuis juin 2020. C’est, il me semble, inacceptable dans une démocratie.

Depuis novembre 2011, je peux justifier que 100% de mes revenus sont issus de la vente de contenus d’informations à des médias reconnus, et depuis 2014 que ceux-ci dépassent le seuil demandé par votre commission pour l’acceptation de la délivrance d’une carte. Sauf que je suis payé en factures, et non en salaires. Cette situation n’est, comme vous le savez sûrement, pas de mon fait. La plupart des médias se procurent aujourd’hui des images de pigistes sans les rémunérer en salaires, cela n’est un secret pour personne.

Il vous revient donc de définir ma qualité de journaliste en me délivrant la Carte de Presse, en fonction des éléments à votre disposition pour le justifier. La justice, qui a eu accès à d’avantage de documents que votre commission (comme les extraits de mes comptes et mes déclaration d’impôts), aura systématiquement définie que ma profession était « Journaliste », dans toutes les procédures à mon encontre. Le contrôle judiciaire à la suite de mon interpellation à Calais en 2016 avait même été « aménagé », pour que je puisse continuer mon travail de Journaliste en me rendant à Paris, tout en continuant de pointer dans un commissariat à Strasbourg.


Aujourd’hui il m’est devenu impossible de faire mon travail de journaliste en France sans cette Carte de Presse. Quand je suis placé en Garde à Vue à la fin de chaque manifestation : les heures perdues en cellule retardent aussi la publication et l’envoi de mes contenus aux médias, m’empêchant donc de réaliser mon travail d’information dans les conditions normalement prévues dans une démocratie.

Né à Strasbourg, j’ai eu l’occasion de couvrir de nombreux évènements sociaux en Allemagne et en Europe centrale. Comme le G20 de Hambourg en 2017, les manifestations contre la nouvelle Banque Centrale Européenne de Francfort en 2015, l’arrivée massive de réfugiés dans les Balkans en 2016, les émeutes d’extrême droite contre les réfugiés à Chemnitz en 2018… Jamais dans ces pays, il ne m’a été demandé la moindre justification, ou ne m’a été posé la moindre limitation à l’exercice de mon métier de Journaliste. Mon équipement et mon attitude sur le terrain, suffisaient amplement à convaincre les forces de police locales que j’étais un journaliste, et non un manifestant. Sans même parler la même langue ! Ces policiers se déplacent autour de nos équipes comme si nous étions du mobilier urbain, ils ne tirent pas sur nous, ne nous arrêtent pas, ils ne font jamais obstruction à notre travail. Une fois de retour en France, le contraste est pour le moins saisissant…

Je vous sollicite, donc, car il vous appartient de me délivrer l’autorisation de continuer d’exercer mon travail de Journaliste en France, par le biais de la délivrance de la Carte de Presse. Il s’agit aujourd’hui du seul « talisman » reconnu par les forces de Police Françaises, pour le libre exercice de ma profession. Sans elle, je ne peux simplement pas continuer mon travail d’information ; Sans finir par pouvoir écrire le « Guide du Routard » des cellules de gardes à vue des commissariats parisiens…

Les réformes des conditions d’attribution de cette carte ne sont pas de mon fait. Il vous revient de juger si ma qualité professionnelle de Journaliste mérite la délivrance de cette carte, alors que je suis payé en factures et non en salaires. Si l’on s’en tient aux montants demandés pour son attribution : je dépasse le seuil demandé pour cette délivrance, le seul problème étant, comme vous le savez, le mode de paiement de ceux-ci.

J’ai conscience, croyez-le, que cette situation est compliquée. Je la subis au quotidien depuis des années. Mais depuis les nouvelles politiques gouvernementales et préfectorales, et sur les terrains où je me rends : je ne peux simplement plus exercer mon métier sans la carte de presse.

Mon avenir est donc entre vos mains. Et peut-être également, un peu, celui de notre démocratie ainsi que de la liberté de production et de circulation de l’information.


En vous remerciant par avance de la considération que vous accorderez à cette demande. Avec le plus grand respect pour votre commission et les acteurs(trices) qui l’animent. Très cordialement,


Gaspard GLANZ