LE VERBATIM DE LA CONFÉRENCE DU PRESSE, DEVANT LE TRIBUNAL DE BOULOGNE SUR MER (2/3/2017)
RAPHAEL KEMPF – AVOCAT :
Le Tribunal a décidé de renvoyer l’audience, pour un motif de procédure et de respect du contradictoire qui nous apparait absolument infondée dès lors que malgré nos demandes successives depuis plusieurs mois, nous n’avons eu la copie du dossier que lundi dernier. Voilà la première difficulté dans ce dossier. Ensuite on a discuté du contrôle judiciaire qui dès le début est un moyen, pour la justice, d’empêcher Gaspard Glanz de faire son travail, de journaliste, sur le terrain, et de contribuer à cette mission fondamentale qui est d’informer le public sur ce qu’il se passe sur Calais.
BORIS ROSENTHAL – AVOCAT :
On est vraiment étonnés du maintien du contrôle judiciaire et du renvoi qui a été demandé par le ministère public. C’est un petit peu une notion du contradictoire à deux vitesses. Parce que lorsque l’on nous envoie le dossier quelques jours avant l’audience, nous on s’adapte. On leur pond quand même dix pages de conclusions en nullité sur des éléments qui nous paraissent extrêmement contestables. Nous rétorquer un contradictoire je trouve que c’est vraiment une notion du contradictoire à deux vitesses. Et ensuite sur le maintien du contrôle judiciaire, je ne peux regretter qu’il n’y ait pas eu le temps où ne serait-ce qu’une suspension pour sauver l’apparence d’un délibéré, et que cette interdiction du Pas-de-Calais continue à courir
QUESTION : Quelles ont été les motifs avancés pour justifier l’interdiction de territoire ?
BORIS ROSENTHAL :
Principalement que monsieur Glanz serait un élément au minimum provocateur et au pire un élément dangereux, s’il s’approchait du département. Ce qui est absolument incroyable.
RAPHAEL KEMPF :
Et en même temps c’est extrêmement révélateur de ce dossier qui est fondé sur des lois d’exception et des suspicions. On sait très bien que monsieur Glanz a été interpellé au mois d’octobre, notamment pour violation d’un arrêté prit sur le fondement d’une loi d’exception qui est la loi sur l’État d’Urgence ; Dont on ne rappelle pas assez qu’elle a été crée pendant la guerre d’Algérie pour faire face à une insurrection indépendantiste contre le colonialisme. Et on voit aujourd’hui que cette loi est réactivée pour lutter soit disant contre le terrorisme et elle est utilisée pour empêcher un journaliste comme Gaspard Glanz de faire son travail, et continuer sa mission d’information. Ça c’est la première chose : loi d’exception et état d’urgence.
Mais la deuxième chose c’est que l’on se fonde sur des suspicions. On dit : « ah oui, monsieur Glanz pourrait faire quelque chose », « il pourrait être dangereux ». Encore une fois on sait que de sinistre mémoire on a connu sous la Révolution Française une « loi des suspects » qui permettait de prendre des mesures de contraintes à l’encontre de personnes sur la base de simple suspicions. Non ! La justice et l’état de droit doivent se fonder uniquement sur des faits, actées, avérés et démontrés, pour prendre des mesures de contraintes à l’égard des personnes.
Ici il y a une coloration policière du dossier à travers cette « Fiche S », dont on sait tous qu’elle est au dossier, ça a été largement publié. Mais cette « Fiche S », elle n’est fondée sur rien. C’est juste une mesure, une décision policière qui a un moment donné dit sans aucun fondement que monsieur Glanz serait un danger. Voilà. Usage de procédures d’exception, usage de suspicions pour empêcher monsieur Glanz de faire son travail. Ça pose un veritable problème.
QUESTION : Est-ce que vous pensez qu’il y a un lien entre l’échéance électorale qui arrive et le report au 7 juin ?
BORIS ROSENTHAL :
Je ne pense pas. Non on ne peut pas faire de lien politique sur le report c’est un calendrier qui appartient au tribunal et qui n’est en aucun cas lié aux échéances politiques et aux élections.
QUESTION : Et aujourd’hui qu’est-ce qu’il se passe si Gaspard décide malgrè tout d’aller faire un reportage à Calais ?
BORIS ROSENTHAL :
Il risque concrètement une révocation de son contrôle judiciaire. Déjà une interpellation : s’il est interpellé dans un endroit où il n’a pas le droit d’être, il risque de se retrouver pendant 24h retenu par les services de police et ensuite déféré devant un juge des libertés et de la détention, qui serait saisi par le ministère public. Qui n’est pas le meilleur ami de Gaspard disons le franchement, et qui pourrait révoquer son contrôle judiciaire.
Ça veut dire soit un durcissement de son contrôle judiciaire, ce qui est un petit peu un retour en arrière, parce qu’il faut quand même souligner que l’on a réussi à obtenir le fait que Gaspard n’ait plus à pointer de manière hebdomadaire au commissariat de Strasbourg ; Soit un retour en arrière de ce contrôle judiciaire, donc un durcissement de son contrôle judiciaire, soit carrément son placement en détention provisoire et donc une place en maison d’arrêt. Jusqu’à l’échéance du 7 juin.
QUESTION : Plus largement cette mesure peut-elle être utilisée contre une partie de la presse et d’autres journalistes ?
BORIS ROSENTHAL :
Le contrôle judiciaire existe pour tout le monde. Ce qui donne une coloration particulière à ce dossier c’est la position et la profession de Gaspard. Le fait qu’il soit journaliste et le fait qu’on musèle son média, et sa manière de faire du journalisme de cette manière, c’est ça qui est inquiétant et c’est ça qui colore particulièrement ce dossier. La mesure de contrôle judiciaire, elle est très inquiétante parce que ça concerne Gaspard Glanz et parce que ça concerne le média Taranis News. Après, je pense que ça reflète une incompréhension, et une vision judiciaire de ce que devrais être le journalisme. C’est à dire un journalisme un petit peu derrière son ordinateur, un journalisme qui ne prend pas de risque et un journalisme qui n’est pas sur le terrain. Et voilà, je pense que ce qui fait peur, c’est le journalisme tel que le pratique Gaspard. C’est à dire d’une manière complètement indépendante, et sans cadre.
GASPARD GLANZ :
Je voulais vraiment remercier mes deux avocats ici présents et le travail formidable qu’ils font. Je remercie ceux qui sont venus au procès. Je n’ai pas de commentaire à faire aujourd’hui, c’est le terrain de mes avocats et c’est à eux de s’exprimer.
Juste un commentaire sur le maintien du contrôle judiciaire. Je suis toujours interdit de me rendre dans le Pas-de-Calais. Cela n’a aucun sens et c’est clairement pour m’empêcher de faire mon travail. Cela a été justifié comme quoi je « complique le travail de la Police ». Concrètement si je complique le travail de la police je pense que je le complique aussi à Paris donc dans ce cas je ne comprends pas pourquoi je serai interdit de Pas-de-Calais et pas de Paris. Et ma décision est prise ce contrôle judiciaire je ne le respecterai pas. Ça fait quatre ans que je couvre la situation des migrants à Calais, bien avant qu’il n’y ait la jungle, et je continuerai à la couvrir parce que c’est mon métier, et parce que je suis journaliste en France, et pas selon les endroits ou il est possible de faire du journalisme. Car il est possible de faire du journalisme dans tout ce pays. Je n’ai pas de commentaires de plus à faire, et encore merci à ceux qui sont venus et à mes formidables avocats.