RENNES : SALUTS NAZIS ET BASTON À COUP DE TABLES RUE DE LA SOIF

Vendredi 27 janvier 2017, veille du « Derby Breton » de foot entre Nantes et Rennes au « Roazhon Parc », le grand stade de la route de Lorient. Pour les Français qui ne connaissent pas la Bretagne il faut préciser que la rivalité entre ces deux villes est à peu près égale à celle qui sépare Paris et Marseille. Depuis l’amputation de la Loire-Atlantique, c’est la guerre froide pour savoir laquelle des deux est la capitale « historique » de la Bretagne. Alors, quand les supporters ultras des bancs nationalistes nantais sont privés de stade en pleine campagne présidentielle, dans une ville concurrente et qualifiée de « bastion de l’extrême gauche » : ça fait boom ?

 

Le match de foot n’est prévu que le lendemain soir, samedi 28 janvier. À cette occasion la police procèdera d’ailleurs à deux arrestations préventives de supporters ultras nantais qui voulaient accéder à une tribune qui leur était interdite. Et de deux autres (dont un rennais), pendant le match, pour état d’ivresse et utilisation d’un fumigène. Jusque là rien de bien inhabituel pour une soirée de foot. Sauf que le ministère de l’intérieur devait avoir des renseignement bien spécifiques, jusqu’à se sentir dans l’obligation de publier un arrêté préfectoral la veille des évènements qui se sont déroulés à Rennes.

« Le déplacement des supporters nantais est interdit, compte-tenu du risque avéré de troubles à l’ordre public. […] Le samedi 28 janvier 2017, de zéro heure à minuit, le déplacement individuel ou collectif, par tout moyen, de toute personne se prévalant de la qualité de supporter du club de football du FC Nantes ou se comportant comme tel, à l’exception de celles munies de billets, se déplaçant vers le lieu de la rencontre, est interdit entre les communes du département de la Loire-Atlantique, d’une part, et la commune de Rennes (Ille-et-Vilaine), d’autre part. ».

Un dispositif de sécurité est même mis en place en prévention d’une grosse soirée : « Gestion de la circulation aux abords du stade, positionnement des forces mobiles sur tous les secteurs du stade, prêtes à intervenir en cas de troubles à l’ordre public. Escorte des équipes et des arbitres. »

 


Images: Kévin Niglaut / Taranis News

 

L’arrêté stipule enfin (et surtout) qu’« à partir du vendredi 27 janvier 20h et jusqu’au samedi 28 janvier minuit, le centre-ville est également interdit à tous les supporters du FC Nantes ou toute personne qui se revendique comme supporter de l’équipe nantaise. Il leur sera interdit d’accéder, de circuler ou de stationner dans le centre-ville de Rennes […] ». Le quotidien local LePloermelais qui est le seul à relayer cette information, détaille : « Tous les supporters nantais qui ne sont pas inscrits dans ce dispositif (achat de billet auprès du club et déplacement en bus) se verront refuser l’accès au stade. À noter que les ventes de billets par le FC Nantes sont closes ».

Le vendredi matin, veille de match et moment choisi par le premier ministre Bernard Cazeneuve pour visiter Rennes et marquer son soutien à Manuel Valls, les supporters nantais apprennent donc la décision préfectorale. Privés de foot, les ultras des bancs de l’extrême droite nantaise prévoient-ils alors un match retour dans le centre-ville de Rennes ? La suite est racontée par des témoins qui étaient présents à Rennes ce soir là. Les prénoms qui ont été changés portent le sigle *.

 

 

Vendredi 27 janvier, rue de la soif, 23h00

En train de prendre des verres à la Rue Saint-Michel avec mes amis dans le bar « l’Aeternam ». Nous fumons des cigarettes devant la porte d’entrée, une trentaine de clients se font face (entre les deux bars). A 23h, un groupe d’homme blancs les cheveux blonds souvent, manteaux noirs, pantalons jeans ou noirs arrivent par la place St-Michel. La rue étant très fréquentée, leur apparition est au départ peu remarquée.

Je les prends d’abord pour des étudiants avant de comprendre rapidement qu’en fait ils agressent un de mes amis dans le bar d’en face. Tables et chaises commencent à être prise par la quarantaine de personnes et une grande bagarre éclate (seuls quelques personnes osent se défendre les autres s’enfuient dans les bars ou dans la rue). Je me rapproche d’un de mes amis à terre qui se prend une table en plein visage. Je crie pour les faire fuir. Ils rebroussent chemin vers la Place St-Michel avec des saluts nazis et des chants fascistes.

Vers minuit, le groupe revient en criant dans la rue St-Michel après être allé au Petit Vélo (bar à la place St-Michel). La police n’est toujours pas là malgré nos nombreux appels. Je cours avec ma petite copine, nous nous réfugions vers la place Sainte Anne. Je cours me cacher chez un habitants de la rue St-Michel que je ne connaissais pas. Les FAF étaient en train de faire des rondes dans la ville. J’apprendrais plus tard qu’ils sont même allé jusqu’à la dalle du Colombier (un « quartier populaire »).

J’y reste 1h environ, et en sortant, je croise des amis. Je les invite à se réfugier chez une autre amie, entendant le groupe d’extrémistes arriver. Nous finissons la soirée chez cette habitante de la rue St-Michel.

Baptiste* – Étudiant à l’Université Rennes 2

 

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Vendredi 27 janvier, rue de la soif, 23h00

C’était vendredi soir j’étais avec une pote, il était 23 heures et a un moment y a une armée de hooligans ou je sais pas quoi qui est arrivée, il m’ont dit que je ressemblait à un nègre.

Ça s’est passé place st michel, en fait ils sont passés devant moi et ils sont allés au « Barantic ». Et devant le bar ils ont commencé à embrouiller quelqu’un. J’ai couru et je suis rentré dans le tas parce qu’ils ont donné une claque a quelqu’un. Ils se sont tous mis sur moi, j’en ai séché un, et bah il m’ont explosé un table sur la tête, une table du « Barrantic ».

Après j’ai voulu me réfugier dans le bar et le patron n’a pas voulu, il ma chassé du bar. Après je suis allé en face à l’ »Aeternam », le temps qu’ils partent, je suis allé voir ma pote.

On a attendu, attendu, place st michel. On attendait de se calmer, je parlais avec une autre victime du bar. On est rentrés peu de temps après, vers 23h30 minuit.

Les commerçants mon dit qu’ils étaient revenus après pour casser la gueule de tout le monde; ils essayaient de rentrer au palais du Kebab alors qu’il y avait la grille, il y a eu plusieurs coup de fils passés a la police.

On est allé à la mairie cette semaine mais c’était fermé. J’en ai parlé à un agent de la police municipale, il a dit qu’il ne savait pas. C’était un gradé. Il a dit qu’il allait venir me voir dans le bar ou je travaille cette semaine.

Maxime* – 20 ans

 

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Vendredi 27 janvier,

Un groupe d’un quarantaine de fafs ont ratissé le centre ville de Rennes (Colombier, République, Parlement, St Anne) et s’en sont pris à plusieurs personnes.

J’étais rue de la Soif ce soir là, ils sont arrivés d’un coup et sans faire de bruit, ont giflé un vieux devant le barantic puis un autre mec devant le kebab. Un pote à nous s’est énervé, ils ont sauté à 10 dessus avant de lui exploser une table de bar sur le dos pendant qu’il était au sol (il n’a rien).

Ils sont ensuite partis très vite (ça a duré même pas une minute) en nous faisant des Zig Heil, et sont revenus une heure plus tard devant le bar « Le Petit Velo » (à 50m de la rue de la Soif) ou il sont restés jusqu’à 3h du mat sans être inquiétés par la police. Apparement dans ces heures là ils auraient chargé et agressé plusieurs autres personnes, je n’étais plus là à ce moment mais plusieurs amis me l’ont confirmé.

Voilà en gros ce qu’il s’est passé à St Anne …

Pour la petit histoire, un autre pote qui a croisé la BAC au Colombier leur a demandé pourquoi ils ne faisaient rien (c’était le soir même). On leur a répondu : « Quand c’est comme ça vous faites comme nous : vous la fermez et vous baissez votre froc ». Ça en dit long.

Anthony* – 23 ans

 

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Pas d’images et pas de réactions officielles. Ni de la mairie, ni des services de la préfecture et encore moins des clubs. La Police aurait été contacté à de nombreuses reprises sans apparement jamais intervenir. Plusieurs témoins se coordonnent pour confirmer la présence de deux agents de la BAC pendant les évènements, Place St-Michel. Un dispositif spécifique de protection avait été mis en place par arrêté préfectoral : il est donc légitime et surprenant de constater que la réactivité des forces de l’ordre n’a pas été aussi « prompt à l’action » en plein coeur de la ville de Rennes, qu’un autre vendredi soir, à l’époque des manifestations contre la Loi Travail.

 

 

Les caméras de vidéo-surveillance sont nombreuses entre la place St-Michel et la place St-Anne (la « Rue de la Soif » faisant le lien entre les deux places). C’est même à cet endroit que leur concentration est la plus importante dans la ville. Certaines sont dotées de capteurs infrarouges et d’une vision à 360°. Il serait interessant de procéder à la saisie de ces images avant que le délais des 30 jours ne permette leur effacement définitif. Et pourquoi pas pour la Mairie ou la Préfecture, de se donner la peine de s’exprimer par le biais d’une « version officielle » sur les évènements de cette soirée.

 

Nous lançons un appel aux témoignages écrits, photos et/ou vidéo. Si vous étiez présents ce soir là et que vous avez vécus les évènements : vous pouvez témoigner en commentaire de cet article.

 

 

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Mise à jour le Lundi 6 février à 1h00 :

    • Ajout du témoignage d’Anthony
    • Une source souhaitant conserver l’anonymat nous a envoyé une photo tirée d’un forum numérique de Hooligans nationalistes réputé comme « sérieux », postée en commentaire d’un article évoquant cette affaire :

 

 

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Mise à jour le Lundi 6 février à 6h00 :

 

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Mise à jour le Lundi 6 février à 22h00 :

 

 

Nous lançons un appel aux témoignages écrits, photos et/ou vidéo. Si vous étiez présents ce soir là et que vous avez vécus les évènements : vous pouvez témoigner en commentaire de cet article.